Événements

Quand Adam Singolda et Sir Martin Sorrell échangent autour de l’IA, la publicité et sa transformation en 2025

Il y a plus de dix ans, Adam Singolda obtenait un rendez-vous décisif avec Sir Martin Sorrell, fondateur de WPP et figure incontournable du monde des affaires — dans des circonstances pour le moins arrangées. Prétextant être « de passage à Londres », Singolda avait en réalité traversé l’Atlantique uniquement pour cette rencontre. À l’époque, Taboola n’était encore qu’une start-up naissante, composée de dix collaborateurs et générant un chiffre d’affaires modeste. « Pourquoi pensez-vous que je devrais accepter cet entretien ? » lui avait lancé Sir Martin Sorrell. Jeune et fébrile, Adam Singolda espérait que son ambition parlerait d’elle-même.

Avançons jusqu’en 2025 : les deux hommes se retrouvent à Cannes, dans un penthouse avec vue sur la Méditerranée, au cœur du Festival international de la créativité. Cette fois, il ne s’agit plus d’un face-à-face entre un inconnu et un décideur, mais d’un dialogue entre pairs. L’échange explore les enjeux présents et futurs de l’industrie publicitaire : le rôle structurant de l’intelligence artificielle, la transformation des modèles d’agences, et l’exercice du leadership dans un monde marqué par une instabilité croissante.

2025 : l’année du « maintenant » ?

L’adoption de l’intelligence artificielle s’inscrit, selon Sir Martin Sorrell, dans une dynamique en trois temps : 2023 fut « l’année du Wow », 2024 celle du « How? », et 2025 devait marquer « l’année du Now ».

En réalité, cette dernière phase reste inachevée. Les entreprises, encore dans une posture exploratoire, multiplient les expérimentations. « Si un client de plus me demande d’organiser un atelier, un audit, un test… c’en est presque frustrant », confie-t-il.

Un exemple positif émerge cependant : General Motors se distingue par une approche volontariste de l’IA et de l’automatisation, avec une logique claire de rationalisation et de performance à grande échelle. Dans un contexte de pression concurrentielle croissante — notamment face aux véhicules électriques et autonomes à bas prix produits en Chine — le constructeur anticipe la nécessité de maximiser l’impact de ses budgets publicitaires.

Naviguer dans l’incertitude

Face à un environnement géopolitique et économique de plus en plus incertain, deux priorités stratégiques s’imposent aux professionnels du marketing : identifier les zones géographiques offrant les meilleures perspectives de croissance — notamment en Amérique du Nord et du Sud, au Moyen-Orient et en Asie — et optimiser l’efficience opérationnelle à tous les niveaux. Dans cette double logique, l’intelligence artificielle s’impose comme un levier central.

IA : menace ou tournant stratégique ?

L’enjeu principal soulevé cette semaine à Cannes, selon Sir Martin Sorrell, porte sur une question directe : l’intelligence artificielle va-t-elle tuer l’industrie publicitaire ?

La réponse ne laisse place à aucune ambiguïté. Il ne s’agit pas d’un effondrement, mais d’un basculement profond. Ce moment serait, au contraire, le point de départ d’un nouvel âge d’or.

La production de contenus vidéo, désormais réalisable en quelques jours — là où plusieurs mois étaient auparavant nécessaires — illustre ce basculement. Cinq champs d’application concentrent déjà les effets les plus notables de l’IA :

  • La rédaction publicitaire et la création visuelle
  • La personnalisation à grande échelle
  • La planification média
  • L’amélioration globale de la productivité
  • La diffusion et le partage de la connaissance à grande échelle

« Nous avons 900 collaborateurs dans le monde qui travaillent sur Google, et entre cinq et sept réunions majeures avec leurs équipes cette semaine », précise-t-il. « Si l’on parvient à transmettre à tous ces collaborateurs ce que nous apprenons ici, le gain sera considérable. »

Les agences sont-elles appelées à disparaître ?

En réaction à une déclaration de Mark Zuckerberg — selon laquelle l’IA pourrait remplacer ou marginaliser les agences — Sir Martin Sorrell apporte une nuance importante : cette évolution semble inévitable dans son orientation, mais la nécessité de validation externe, indépendante, demeurera.

Même si des plateformes telles que Meta, Google ou Amazon concentrent l’essentiel des investissements publicitaires, les agences conservent un rôle essentiel. Leur fonction : apporter une expertise stratégique autonome, vérifier les logiques algorithmiques, et garantir que les performances générées restent cohérentes avec les objectifs de marque. « On ne va pas aller voir Mark pour lui dire : tiens, gère mon budget », ironise-t-il.

Se réinventer ou devenir obsolète

En conclusion, Adam Singolda pose une question prospective : de quoi parlera-t-on dans un an ?

« Une nouvelle industrie est en train d’émerger », affirme Sir Martin Sorrell. Les modèles traditionnels des groupes de communication sont soumis à des tensions structurelles considérables, tandis que les acteurs indépendants et les entreprises nativement technologiques prennent l’ascendant. Le message est sans équivoque : la réinvention n’est plus une option. Le changement est déjà à l’œuvre — seuls les plus agiles resteront dans la course.

Diffusez vos contenus avec Realize

Lancer ma campagne