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Pourquoi la chute du trafic issu du search est une opportunité phénoménale pour Google et l’Open Web

Beaucoup considèrent que les moteurs Gen AI et les modèles de langage (LLM) représentent une menace pour l’open web, les éditeurs… voire les annonceurs. C’est inexact. Certains estiment également que ces technologies posent problème à Google, en réduisant le trafic issu du search qu’il peut monétiser — remplacé par les conversations générées via Gemini. Là encore, c’est une erreur.

En à peine un an depuis leur lancement, les moteurs de recherche fondés sur l’intelligence artificielle générative et les modèles de langage ont profondément transformé l’open web. Ce changement rapide a des répercussions à la fois sur les moteurs de recherche et sur les éditeurs. On observe une baisse généralisée du trafic issu du search traditionnel, avec des impacts plus ou moins marqués selon les acteurs. Cette dynamique touche directement Google, qui enregistre une diminution des requêtes, mais affecte aussi les éditeurs, qui reçoivent moins de trafic référent en provenance des moteurs. La concurrence pour capter les volumes restants s’intensifie : des acteurs comme OpenAI ou Perplexity cherchent à prendre leur part, pendant que Google se fait concurrence à lui-même via sa propre interface d’IA générative, Gemini.

Que ce soit OpenAI et ChatGPT qui « tuent » le search de Google, ou Google lui-même, un constat s’impose : le trafic issu du search vers les éditeurs est en déclin. La vraie question est donc la suivante : que feront les éditeurs si ce trafic diminue de 20 %, 30 %, voire 50 % ?

C’est probablement la fin du search tel que nous le connaissons.

Et paradoxalement, une des meilleures choses qui pouvaient arriver à Google — et à l’Open Web.

La menace Gen AI : une remise à plat (salutaire) du modèle économique des éditeurs

Les moteurs de recherche Gen AI comme ChatGPT, Perplexity ou Gemini de Google détournent progressivement le trafic historiquement dirigé vers les éditeurs. Les données disponibles indiquent qu’à peine 0,1 % du trafic issu de ces outils aboutit effectivement sur les sites des éditeurs. Autrement dit, lorsqu’un utilisateur effectue une recherche sur ChatGPT ou Perplexity, il y a très peu de chances qu’il clique ensuite sur un lien pour approfondir un sujet. Le nouveau terme en vogue chez les dirigeants de médias en résume bien la logique : zero click search — une recherche qui ne débouche sur aucune action. Aucun éditeur n’est épargné par cette tendance. Le trafic référent issu du search a reculé de près de 7 % en un an sur un échantillon de 1 000 domaines web, soit près d’un milliard de visites stratégiques qui ont disparu de l’Open Web.

À première vue, on pourrait croire qu’aucune réponse rationnelle n’est possible face à des acteurs Gen AI qui assèchent le trafic des éditeurs. Google chercherait à relativiser l’impact en affirmant que les internautes ayant cliqué sur un lien après avoir consulté un encart AI Overview passeraient plus de temps sur les sites concernés.

Revenons à la réalité.

La menace Gen AI déclenche une réaction en chaîne qui remet en question les fondations économiques des éditeurs. Aujourd’hui, leur principale source de revenus reste étroitement liée au nombre de visiteurs susceptibles d’être exposés à des formats publicitaires sur leurs pages. Dit simplement : moins de trafic signifie, à court terme, moins de revenus.

Ce contexte oblige les éditeurs à repenser en profondeur leur modèle économique. Il amène également Google à reconsidérer ses propres mécanismes de monétisation. Si la période actuelle est marquée par une forme de rupture, elle ouvre aussi la voie à une transformation radicale — vers davantage d’engagement, et un potentiel de revenus bien supérieur à ce que le secteur a connu jusqu’ici. Pour Google comme pour l’Open Web.

Google, les éditeurs et l’essor des conversations LLM à forte valeur

La baisse du trafic issu du search pourrait pénaliser Google et les éditeurs à court terme, mais une nouvelle forme de « ressource » émerge : les conversations générées par des LLM. Chaque mois, près d’un milliard de personnes utilisent ChatGPT, Gemini ou Perplexity. La majorité de ces échanges porte sur des questions de culture générale, mais environ 10 à 20 % relèvent de thématiques à forte valeur ajoutée : organisation de voyages, santé, commerce, services financiers, et bien plus encore. Ces conversations valent une fortune — bien davantage qu’un simple clic issu du search.

Le modèle économique de ChatGPT est simple : 20 dollars par mois et par abonné, quelle que soit la nature des questions posées — qu’il s’agisse de la météo ou d’un projet de voyage à Cancún. De son côté, Gemini, soutenu par l’activité search ads de Google (estimée à 200 milliards de dollars) et un réseau de 10 millions d’annonceurs, identifiera ces conversations comme autant d’opportunités commerciales. Un échange de plusieurs jours autour d’un projet de voyage peut facilement se transformer : une personne pose une question, Gemini répond en temps réel, puis approfondit ses recommandations jusqu’à mener à une transaction complète. Réservation de vols, d’hôtels, de restaurants… L’ensemble peut être pris en charge dans le cadre d’une seule et même interaction.

C’est une révolution pour Google : on passe d’un modèle où chaque clic valait un dollar à un scénario où une conversation peut en générer mille. Ce repositionnement confère à Gemini un potentiel de revenus à long terme bien supérieur à celui du search. Autrement dit : moins de trafic issu du search, mais beaucoup plus de valeur.

Les éditeurs disposent, eux aussi, d’une opportunité considérable. Si 30 à 40 % de leur audience actuelle provient du search, 60 à 70 % arrive en direct. En lançant leurs propres modèles de type Gemini, les éditeurs peuvent héberger des conversations à forte valeur ajoutée dans des environnements de confiance, autour de thématiques comme le voyage, le shopping, la santé ou la finance. C’est là que leur contenu de fond et leurs expertises éditoriales peuvent réellement guider des décisions engageantes.

Certes, ChatGPT peut fournir instantanément des idées ou des informations pour un projet de voyage. Mais il ne remplace pas la phase de recherche approfondie : l’utilisateur ira toujours consulter des avis, regarder des images ou des vidéos, croiser les points de vue avant de prendre une décision. L’IA propose une nouvelle manière d’explorer les sujets, mais les besoins fondamentaux restent inchangés : être informé, comprendre, et décider en toute confiance. Les éditeurs disposent de ces fondations — des expertises, une légitimité construite au fil des décennies — et peuvent les mobiliser pour créer une valeur remarquable dans ce nouvel écosystème.

C’est dans cet espace que les éditeurs ont l’opportunité de se démarquer sur la prochaine décennie. Les décisions importantes, les achats impliquants, ne se satisfont pas de réponses rapides : ils nécessitent des contenus approfondis, des avis, des visuels, et un journalisme de qualité — autant d’éléments déjà au cœur de l’offre éditoriale.

Certains éditeurs monétiseront ces échanges par la transaction, à l’image de ce que pourrait faire Gemini ; d’autres miseront sur des modèles par abonnement, à l’instar de ChatGPT. Pour ceux qui s’engagent pleinement dans cette transition, il s’agit d’un changement structurel rare — un passage d’un modèle fondé sur la page vue à une logique de valeur relationnelle.

Dans l’ère des LLM, la confiance des utilisateurs devient le socle à la fois de la résilience et de la croissance. L’avenir des éditeurs — comme celui de Google — s’annonce prometteur.

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